Lettre ouverte au Président de la République, au lobby France Energie Eolienne et à tous les promoteurs éoliens ainsi qu’à l’AMF

En tant que maire de mon village de Côte d’Or, j’ai reçu récemment une missive du président de France Energie Eolienne, le porte-parole du lobby de l’industrie éolienne Monsieur Nicolas Wolff, dont les termes m’incitent à répondre sous forme de lettre ouverte tant je souhaite faire partager mon indignation et ma colère avec de nombreux maires de Côte d’Or et de France, ainsi qu’avec les citoyens bien informés sur l’éolien qui, comme moi, se sentent harcelés par les promoteurs et leurs lobbies, ceux-ci les abreuvant de discours fallacieux, voire mensongers, sur la nécessité absolue de multiplier le nombre d’éoliennes sur notre territoire.

En effet comme le font d’habitude les promoteurs, le président de FEE vante dans une lettre les mérites de l’industrie éolienne qui « contribue ainsi à la croissance de nombreuses entreprises régionales ». On se demande lesquelles car jusqu’à preuve du contraire l’Allemagne, le Danemark, l’Espagne ou la Chine ne font pas encore partie de notre région. Les filières industrielles et les sociétés-mères sont pratiquement toujours situées hors de France et ce sont ces pays étrangers qui au final bénéficient très largement des emplois industriels et de la manne financière démesurée d’argent public octroyée par la France sur le dos des travailleurs français qui produisent des richesses (en 2018 la Cour des Comptes a estimé que, pour 1€ d’investissement dans l’équipement de l’éolien, seuls 20 cts correspondaient à du matériel produit en France…).

Pour justifier et accélérer le développement de l’éolien en région BFC le président de FFE prétexte que « contrairement à d’autres régions notre parc éolien est peu développé…». C’est faire peu de cas de la saturation que nous connaissons dans le département de Côte d’Or avec déjà un total de 227 éoliennes autorisées pour une puissance de 568 MW. C’est l’une des plus fortes concentrations en France dans un département parmi les moins ventés.

De plus le président de FEE n’a pas peur d’écrire que « Les parcs éoliens installés en BFC représentent une capacité totale de 808 MW fin 2019, représentant… près de 40% de la production électrique régionale ». C’est-à-dire que le président se permet de comparer une capacité de production qui s’évalue en MW, à une production réelle qui s’évalue en MW/h.

FEE fait ici une comparaison mensongère entre capacité et production réelle pour tenter de masquer les effets négatifs réels de l’intermittence de l’éolien (intermittence due à l’absence ou au manque de vent, une éolienne produisant en moyenne environ 22% seulement de sa capacité de production), associée au fait qu’aucune solution de stockage à grande échelle, économiquement viable, n’a encore été trouvée (rappelons que le stockage grâce à l’hydrogène n’est toujours pas économiquement acceptable malgré les milliards investis dans cette recherche et que l’hydrogène est un produit dangereux).

De plus cette « intermittence aléatoire » qui dépend des caprices du vent devra donc être nécessairement compensée par une capacité supplémentaire d’énergie, « pilotable » elle, principalement le gaz russe qui produit du CO2 et qui nous fait dépendre de l’Allemagne ? Ces énergies intermittentes sont en fait un gouffre de milliards d’euros d’argent public sous forme de subventions diverses. Cet argent public provenant de taxes sur les consommateurs et d’impôts démesurés serait beaucoup mieux utilisé dans le soutien, non seulement au personnel des hôpitaux ou dans les entreprises interdites d’activité pour cause de Covid, mais surtout dans l’éducation des jeunes en zone rurale, cette génération « sacrifiée ».

Enfin le président n’hésite pas à agiter de façon éhontée le spectre de la pandémie en invoquant « la crise sanitaire qui a bouleversé nos vies et notre quotidien et nous rappelle à quel point la production d’une électricité renouvelable et locale est indispensable à la sécurité énergétique et au développement économique de nos territoires ». M. Wolff voudrait nous faire croire que le développement de l’éolien est indispensable pour résoudre la crise sanitaire ! Alors même que l’éolien est une énergie totalement dépendante du vent, une production d’électricité aléatoire et intermittente est-elle vraiment judicieuse pour le bon fonctionnement d’un hôpital ?

Mais conscient lui-même de la fragilité de telles assertions, M. Wolff n’hésite pas à frapper les esprits avec l’argument massue susceptible d’appâter nos élus locaux : les recettes fiscales. C’est évidemment par cette carotte que le lobby FEE réussit à convaincre les élus des petites communes rurales asphyxiées financièrement, et qui n’ont souvent même plus de quoi payer les frais d’école primaire de leurs enfants ni l’entretien de leurs routes et bâtiments publics. Et ce ne sont pas les communautés de communes qui vont résoudre leurs problèmes en proposant aux petites communes les plus pauvres de prendre à leur charge ces dépenses vitales, et ce alors même qu’elles perçoivent non seulement une part des impôts locaux de tous les contribuables communaux mais également une part des recettes fiscales des éoliennes. Beaucoup de maires ruraux de communes pauvres se voient donc obligés d’assumer l’installation d’éoliennes quels que soient les impacts environnementaux et humains, impacts qu’ils refusent souvent de voir par nécessité…

Mais non, tous les maires de France ne sont pas à vendre :

Non, la plupart des maires de communes rurales sensibles au respect des paysages, de la biodiversité (surtout l’avifaune), des forêts, du patrimoine, ainsi qu’au bien-être de leurs administrés, ne se laisseront pas acheter afin de préserver leur environnement. (A ce sujet, ne faudrait-il pas s’interroger sur le travail des cabinets d’expertise environnementaux, mandatés et payés par les promoteurs et ne vivant que grâce à l’éolien ? Leurs conclusions peuvent-elles vraiment être considérées comme objectives quand on est en même temps juge et partie ?).

Non, tous les maires de France ne se laisseront pas acheter pour que soient défigurés les magnifiques paysages naturels et sites patrimoniaux français ni pour qu’il soit porté atteinte à la biodiversité, à l’avifaune et aux forêts qui font justement l’attractivité de leurs territoires et permettent le développement du tourisme, activité économique essentielle qui permet souvent de compléter des revenus agricoles déclinants… 

Non, tous les maires de France ne se laisseront pas acheter pour que soient défrichés des pans entiers de leurs forêts, non seulement pour l’édification des éoliennes mêmes mais aussi pour la création de chemins d’accès aux installations et le passage des raccordements électriques.

Non, tous les maires de communes rurales ne se laisseront pas acheter pour que soient enfouis dans les sols de leur commune 50 tonnes de ferraille et 1500 tonnes de béton pour chaque socle d’éolienne, sachant pertinemment que ce béton armé restera enfoui à jamais et que le démantèlement des éoliennes elles-mêmes restera à la charge du propriétaire (beaucoup plus que les 50 000 € mis en réserve…).

Non, tous les maires de France ne se laisseront pas acheter pour que les habitants de la commune et ceux des communes avoisinantes (dont l’avis ne compte guère puisqu’il ne s’agit pas d’un avis « conforme ») subissent malgré eux les nuisances visuelles, sonores et lumineuses, diurnes et nocturnes, ainsi que les nuisances des infra-frasons générées par le mouvement des pales, toutes ces nuisances affectant durablement leur santé.

Beaucoup de maires de notre région n’en peuvent plus du harcèlement continu dont ils font l’objet de la part des innombrables promoteurs éoliens qui croient pouvoir user et abuser d’arguments fallacieux et de promesses de recettes fiscales.

Notre devoir en tant qu’élus locaux est de veiller uniquement à l’intérêt général, à la protection de l’environnement et au bien-être de la population et de refuser les parcs éoliens qui ne permettent pas de diminuer le réchauffement climatique du fait de leur production aléatoire et intermittente, conjuguée à l’absence de stockage à grande échelle à un coût technique acceptable. (cf déclaration au TA le 3/02/21 de la ministre Barbara Pompili dans son mémoire en défense enregistré le 23/6/20 : « En ce qui concerne l’objectif d’augmentation des énergies renouvelables, celui-ci est indépendant de celle des gaz à effet de serre », tout est dit).

Les pressions de l’Europe et de l’Allemagne (dont la production électrique produit 8 fois plus de CO2 que la France), leur chantage aux subventions par le biais de Conseils Régionaux qui pratiquent l’écologie idéologique et absurde, sont également inacceptables pour les maires ruraux qui prônent une écologie rationnelle et efficace par rapport à son coût.

Espérons que les politiques idéologues qui considèrent l’écologie comme une religion reviendront à la raison…et que des gouvernants rationnels soucieux de l’intérêt général feront cesser le harcèlement moral des petits maires ruraux asphyxiés financièrement.

 

 

Marie Chodron de Courcel est Maire d’Ecutigny (21360).