Monsieur le Président,

Laissez-nous vous dire notre stupéfaction. Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de la forêt de Taillard. C’est un beau massif d’un millier d’hectares de résineux, aux confins de la Loire et de la Haute-Loire. Un promoteur souhaite y implanter dix éoliennes de 125 mètres de haut, sur une ligne de crête à treize cents mètres d’altitude. Ces engins se verraient donc de loin.

Des voisins s’y sont opposés. On peut les comprendre : les paysages sont beaux, une partie du site éolien fait partie du parc naturel régional du Pilat, le lieu est riche en oiseaux et en chiroptères (deux populations gravement menacées, vous le savez, dans l’ensemble de la France), et les villages des alentours renferment d’intéressants monuments historiques. La survenance de hautes silhouettes industrielles risquerait de dissuader l’installation des nouveaux habitants dont les communes ont besoin. Et, notre pays s’étant fixé pour objectif de neutraliser ses émissions de carbone d’ici à 2050, les forêts, pièges à carbone, doivent impérativement être préservées.

N’ayant pas convaincu le tribunal administratif de Lyon, les opposants – de simples particuliers soucieux de la protection de l’environnement – ont fait appel à la cour administrative de cette même ville. Ils ont eu alors la surprise de se voir réclamer par le promoteur éolien, au moyen d’une assignation devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne, 893 000 euros de dommages-intérêts pour avoir retardé l’implantation des engins.

Puis le promoteur leur a fait savoir que, s’ils renonçaient à leur appel à la cour, il renoncerait lui-même à son écrasante assignation. Ainsi, un professionnel tente, par l’intimidation, d’empêcher d’honnêtes citoyens de se défendre – alors que toute personne a le droit de faire appel d’un jugement qui la concerne, et qu’en l’occurrence, le procès en appel se trouve encore à ses débuts.

Monsieur le président, ce promoteur éolien n’est autre que Total Quadran, une filiale de votre groupe !
Nous savions que ces procédés de violence morale ont cours dans certains pays. Nous n’imaginions pas qu’ils pourraient gagner la France.

Le groupe Total a entrepris, sous votre présidence, d’aider massivement la transition écologique dans le monde entier. Nous l’en félicitons. Mais toutes les actions qui se réclament de cette transition ne sont pas nécessairement judicieuses. Un supplément de courant éolien ne saurait réduire nos émissions de carbone, étant donné que la part des sources fossiles dans la production électrique française est déjà tombée au plus bas. Il risquerait même d’accroître ces émissions nocives, car les éoliennes, en France, ne fonctionnent en moyenne qu’à 24 % de leur puissance ; et comme les consommateurs ont besoin d’une alimentation régulière, il faut recourir, pour compenser l’intermittence de ces engins, à une source qui, en l’état des techniques, ne peut être que le gaz, polluant.

Nous n’entendons pas intervenir dans le procès de Lyon, qui doit suivre son cours. Mais nous vous demandons instamment de faire retirer par votre filiale une assignation qui constitue une offense à la démocratie.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre parfaite considération.

Pierre Audigier, ingénieur général des Mines, Stéphane Bern, historien, animateur de télévision, Michel Blangy, préfet de région, Pascal Bruckner, écrivain, de l’Académie Goncourt, Jean-Claude Casanova, directeur de « Commentaire », membre de l’Institut, Françoise Chandernagor, écrivain, de l’Académie Goncourt, Anny Duperey, comédienne, écrivain, Jean-Paul Frouin, préfet de région, Éric Giuily, ancien Directeur général des Collectivités Locales, Jacqueline de Guillenchmidt, ancien membre du Conseil constitutionnel, Denis de Kergorlay, président de French Heritage Society, Julien Lacaze, président de Sites & Monuments, Bérénice Levet, philosophe et essayiste, Olivier de Lorgeril, président de la Demeure Historique, Dominique Poitout, de l’Académie de Médecine, Éric Roussel, historien, membre de l’Institut, Maryvonne de Saint Pulgent, présidente de section honoraire au Conseil d’État, ancienne directrice du Patrimoine, Nicolas Saudray, essayiste et romancier, Gérard de Senneville, inspecteur général de l’Équipement, Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons Françaises

 

Pierre Audigier, ingénieur général des Mines, Stéphane Bern, historien, animateur de télévision, Michel Blangy, préfet de région, Pascal Bruckner, écrivain, de l’Académie Goncourt, Jean-Claude Casanova, directeur de « Commentaire », membre de l’Institut, Françoise Chandernagor, écrivain, de l’Académie Goncourt, Anny Duperey, comédienne, écrivain, Jean-Paul Frouin, préfet de région, Éric Giuily, ancien Directeur général des Collectivités Locales, Jacqueline de Guillenchmidt, ancien membre du Conseil constitutionnel, Denis de Kergorlay, président de French Heritage Society, Julien Lacaze, président de Sites & Monuments, Bérénice Levet, philosophe et essayiste, Olivier de Lorgeril, président de la Demeure Historique, Dominique Poitout, de l’Académie de Médecine, Éric Roussel, historien, membre de l’Institut, Maryvonne de Saint Pulgent, présidente de section honoraire au Conseil d’État, ancienne directrice du Patrimoine, Nicolas Saudray, essayiste et romancier, Gérard de Senneville, inspecteur général de l’Équipement, Philippe Toussaint, président des Vieilles Maisons Françaises